Liberté de la presse en temps de guerre : Jusqu'où peut aller le CSAC ?

Par Patrick LOKALA, journaliste indépendant

La situation sécuritaire préoccupante que traverse actuellement la République démocratique du Congo (RDC) ne saurait justifier toutes les dérives. Notamment, celles qui portent atteinte à la liberté de la presse et au droit à l’information, pourtant garantis par la Constitution.

C’est dans ce contexte que s’inscrit la récente prise de position de Monsieur Christian Bosembe, président du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel et de la Communication (CSAC), dont les propos et décisions interrogent. Il aurait, selon plusieurs sources, désapprouvé, voire interdit, la diffusion de certaines informations relatives à l’ancien président Joseph KABILA.

Si l’intention affichée est de protéger l’unité nationale en temps de guerre, la méthode employée mérite un examen critique. Car en démocratie, rien ne justifie la censure de l’information, en dehors des cas strictement encadrés par la loi.

Informer n’est pas faire l’apologie de la rébellion

En période de conflit, la presse a un rôle essentiel : celui de tenir le public informé de manière responsable, vérifiée et équilibrée. Il ne s’agit pas de faire l’éloge d’un camp ou d’un autre, encore moins de diffuser des propos haineux ou subversifs.

Mais attention à ne pas confondre l’information avec la propagande. Interdire aux journalistes de traiter certains sujets sous prétexte de « sécurité nationale » ou de « contexte de guerre » peut facilement devenir un prétexte à museler les voix dissidentes ou critiques, surtout lorsqu’elles touchent des figures politiques controversées.

Je le dis clairement : je suis opposé à la démarche politique de Joseph Kabila. Toutefois, cela ne me donne pas, en tant que journaliste, le droit de passer sous silence des faits d’actualité le concernant. Ce serait une faute professionnelle et une violation flagrante du droit du public à être informé.

Le rôle du CSAC : garant de la démocratie, pas censeur de la presse

Le CSAC est une institution d’appui à la démocratie, ainsi que le reconnaît la Constitution congolaise. À ce titre, il ne peut ni se substituer au pouvoir judiciaire, ni imposer une ligne éditoriale unique à l’ensemble des médias du pays. Son rôle est d’encadrer, de réguler, et non de censurer.

C’est pourquoi la récente décision de Monsieur Bosembe appelle une question fondamentale :
Quelle est la base légale de cette interdiction de diffuser des informations sur Joseph Kabila ?
En d’autres termes, s’agit-il d’une mesure fondée sur une disposition claire du droit congolais, ou d’une interprétation abusive du rôle du CSAC en période de crise ?

La vigilance s’impose

Dans un État de droit, la censure est un acte liberticide, car elle porte atteinte à l’essence même de la démocratie : la pluralité des voix et la liberté d’expression. Les journalistes congolais doivent faire preuve de responsabilité, certes, mais ils ont aussi le devoir de résister aux pressions politiques qui visent à faire taire certaines vérités.

Aujourd’hui, il ne s’agit pas simplement de défendre un droit professionnel. Il s’agit de défendre un principe fondamental : celui d’un peuple libre d’accéder à toutes les informations, même celles qui dérangent.

Ali Haddad 

Enregistrer un commentaire

0 Commentaires
* Please Don't Spam Here. All the Comments are Reviewed by Admin.