Dans un pays aussi diversifié que la République démocratique du Congo (RDC), la question de l'identité reste un sujet brûlant, souvent instrumentalisé à des fins politiques ou idéologiques. L’intervention de Seth KIKUNI, homme politique congolais, jette une lumière crue sur une réalité persistante : la non-reconnaissance identitaire peut être le ferment de conflits profonds, parfois sanglants. À travers un propos lucide et courageux, il rappelle que l’identité n’est pas un luxe, mais un droit fondamental.
L'identité : une question existentielle
Seth KIKUNI commence par une vérité simple mais puissante : «L’identité est la chose la plus importante dans la vie d’un individu ou d’un groupe.»
L’identité constitue le socle sur lequel un individu se construit, trouve sa place dans la société, et contribue au vivre-ensemble. La lui contester, c’est nier son existence même, sa légitimité, son appartenance.
Dans le contexte congolais, où les appartenances ethniques, régionales et historiques sont nombreuses et parfois conflictuelles, cette reconnaissance devient un facteur clé de stabilité ou, à l’inverse, de violence. KIKUNI évoque avec pertinence l’exemple de l’ancien président Joseph KABILA, pourtant «Katangais de surcroît», à qui certains ont voulu nier l’authenticité de ses origines. Que dire alors des Congolais Tutsi, souvent marginalisés, traités comme des étrangers dans leur propre pays, malgré leur enracinement sur le sol congolais depuis plusieurs générations ?
Le poison de la suspicion
Lors de son audition par des services de sécurité, Seth KIKUNI affirme qu’on a insinué qu’il avait des «origines douteuses». Cette méfiance, cette volonté de trier les «vrais» et les «faux» Congolais, reflète une idéologie dangereuse portée par ce qu’il appelle le camp de la « Patrie ». En réponse, il dénonce cette logique d'exclusion en rappelant : «Ce qui nous unit ou nous divise, c’est cette même patrie.»
Il ne s’agit plus simplement d’un conflit politique ou idéologique, mais d’une fracture identitaire, où l’on construit des murs au lieu de bâtir des ponts. La question posée n’est pas de savoir si l’on vit en RDC, mais comment l’on y vit ensemble. Cette nuance est essentielle : elle replace l’humain, avec ses droits, sa dignité et sa diversité, au cœur du débat national.
Pour une patrie inclusive
L’appel de Seth KIKUNI est clair : bâtir une nation où l’identité de chacun est respectée, reconnue et protégée. Car une patrie ne peut se fonder sur l’exclusion ou la suspicion. Elle doit être un espace de coexistence, de dialogue et de respect mutuel.
Le conflit à l’Est du pays, les tensions intercommunautaires, les manipulations politiques trouvent bien souvent leurs racines dans cette incapacité à reconnaître l’autre comme un compatriote à part entière. À long terme, seule une vision inclusive de l’identité congolaise pourra apaiser les tensions et permettre au pays de se réconcilier avec lui-même.
Dans une République démocratique du Congo en quête de stabilité et d’unité, la reconnaissance de l’identité de chacun n’est pas un luxe, mais une urgence politique, sociale et morale. Le message de Seth KIKUNI vient nous rappeler que l’avenir du pays repose moins sur l’uniformité que sur la capacité à vivre ensemble dans le respect de nos différences.
Ali Haddad