À quelques jours du verdict très attendu du procès BUKANGA LONZO, une vive tension oppose les deux plus hautes institutions de la République démocratique du Congo : l’Assemblée nationale et la Cour constitutionnelle. En toile de fond, la question sensible de l’immunité parlementaire de l’ancien Premier ministre devenu député, Augustin MATATA PONYO.
C’est un bras de fer inédit que connaît la RDC. Le président de l’Assemblée nationale, Vital KAMERHE, a adressé une lettre ferme au président de la Cour constitutionnelle, Dieudonné KAMULETA , dénonçant la comparution de MATATA PONYO sans que la plénière ne soit saisie, en violation, selon lui,de l’article 107 de la Constitution. Cet article protège les députés contre toute poursuite judiciaire sans l’accord de leur chambre.
Mais la Cour constitutionnelle ne l’entend pas ainsi. Par une réponse jugée sèche et directe, elle rappelle que la procédure judiciaire à l’encontre de MATATA PONYO a été engagée bien avant son élection comme député, en 2022. Elle affirme que le procès est désormais en phase de jugement, ce qui justifie à ses yeux la poursuite des audiences sans levée d’immunité.
Une interprétation qui divise
Au cœur de cette controverse : l’interprétation de l’immunité parlementaire. Le Parlement y voit une protection globale, y compris pour des faits antérieurs au mandat. La Cour, elle, privilégie une lecture restrictive, considérant que l’immunité ne saurait entraver une procédure judiciaire déjà initiée.
Cette divergence révèle un vide juridique sur l’effet rétroactif de l’immunité. Elle pose également la question de la hiérarchie entre les institutions : le judiciaire peut-il passer outre l’avis du législatif lorsqu’il estime détenir une compétence déjà exercée ?
Un clash aux allures de crise constitutionnelle
Ce désaccord va bien au-delà du cas MATATA PONYO. Il révèle une fragilité dans l’équilibre des pouvoirs. En ignorant la mise en garde du président de la Chambre basse, la Cour constitutionnelle semble affirmer son indépendance au prix d’un affront à l’autorité parlementaire. Un affront perçu par plusieurs observateurs comme un précédent préoccupant pour les 500 députés nationaux.
À quelques jours du verdict, prévu le 14 mai, les tensions entre le pouvoir judiciaire et le pouvoir législatif laissent craindre une crise institutionnelle majeure. Si aucune médiation ne s’engage, le pays pourrait entrer dans une zone de turbulence, où le droit et la politique se heurtent dangereusement.
Un précédent aux conséquences incalculables
Le procès de MATATA PONYO, au-delà de ses implications judiciaires, devient le symbole d’une bataille plus large sur l’État de droit en RDC. Entre respect des immunités, séparation des pouvoirs et indépendance de la justice, c’est l’architecture même des institutions qui est mise à l’épreuve.
Ali Haddad