Depuis la passation pacifique du pouvoir en 2019 entre Joseph KABILA et Félix-Antoine TSHISEKEDI, les rumeurs d’un accord secret n’ont cessé d’alimenter la scène politique congolaise. Cet accord, censé encadrer une transition politique inédite en République Démocratique du Congo (RDC), suscite aujourd’hui plus que jamais interrogations et tensions. Joseph KABILA, longtemps silencieux, est récemment sorti de sa réserve pour dénoncer ce qu’il qualifie de «contre-vérités» entourant cette entente.
Un accord aux contours flous
Dès l’accession de Félix-Antoine TSHISEKEDI à la présidence, plusieurs analystes et acteurs politiques ont évoqué l’existence d’un pacte entre les deux hommes forts : un partage du pouvoir entre le président entrant et la coalition FCC (Front Commun pour le Congo) de KABILA, majoritaire au Parlement. Cet arrangement aurait permis à KABILA de conserver une influence considérable sur l’appareil de l’État tout en s’assurant une certaine immunité.
Mais au fil des années, la relation entre les deux camps s’est étiolée. TSHISEKEDI, à travers une série de manœuvres politiques et institutionnelles, a progressivement écarté les kabilistes de l’armée, de la justice et du gouvernement. En 2021, il brise officiellement l’alliance avec le FCC, créant l’Union sacrée, sa nouvelle majorité parlementaire.
La sortie de KABILA : une mise au point ou un règlement de comptes ?
Dans une déclaration publique récente, Joseph KABILA brise le silence :
«A propos de cet Accord, beaucoup de contre-vérités ont été dites, y compris, fort malheureusement, par celui qui est censé connaître la vérité, parce qu’en étant l’un des deux principaux signataires.»
L’ancien président se dit prêt à rétablir la vérité «au moment opportun», documents à l’appui, tout en affirmant que sa seule motivation fut «l’intérêt supérieur de la Nation».
Ce ton mesuré mais ferme laisse entendre une profonde déception, voire un sentiment de trahison. KABILA semble reprocher à son successeur d’avoir rompu un pacte tacite, ou du moins de l’avoir interprété à son avantage.
TSHISEKEDI, maître du jeu ?
Pour ses partisans, Félix-Antoine TSHISEKEDI n’a fait que s’émanciper d’un système hérité d’un régime de 18 ans et répondre aux aspirations du peuple congolais. Ils saluent sa capacité à prendre le dessus sur l’influence kabiliste, estimant qu’il fallait tourner la page d’un passé marqué par des dérives autoritaires.
Mais pour les proches de KABILA, ce retournement s’apparente à un double jeu, voire à une trahison politique.
D’où cette interrogation : TSHISEKEDI a-t-il « doublé » KABILA, ou a-t-il simplement joué son rôle de président en consolidant son pouvoir ?
Une vérité encore enfouie
Dans ce contexte où les déclarations s’opposent et les faits restent largement opaques, une chose est certaine : l’histoire de cet accord secret entre KABILA et TSHISEKEDI continue d’agiter la scène politique congolaise. Les mois à venir, notamment à l’approche des prochaines échéances électorales, pourraient enfin lever le voile sur une vérité longtemps tue.
Ali Haddad