Un rapport confidentiel des Nations unies, qui a fuité ce mercredi, accuse frontalement le Rwanda de chercher à annexer une partie de l’Est de la République démocratique du Congo. Rédigé par des experts mandatés par le Conseil de sécurité, le document affirme que Kigali exerce un contrôle militaire, politique et économique sur plusieurs territoires congolais, à travers le soutien actif au mouvement rebelle M23.
Un contrôle assumé, une souveraineté effacée
Selon les enquêteurs de l’ONU, le Rwanda a progressivement installé un système d’occupation dans les territoires de Rutshuru, Masisi et certaines zones de Nyiragongo. Loin de simples incursions rebelles, il s’agirait d’une stratégie coordonnée, avec des troupes rwandaises opérant sous couverture du M23 et répondant à une chaîne de commandement directement liée à Kigali.
Dans ces territoires conquis, les autorités légitimes congolaises auraient été évincées, remplacées par des cadres nommés par le M23, eux-mêmes sous influence rwandaise. Ces nouveaux responsables assurent désormais la gestion de la sécurité, de la justice, de l'administration et même de la collecte des taxes locales.
« Il s’agit d’un processus méthodique de démantèlement de la souveraineté congolaise au profit d’une administration parallèle alignée sur les intérêts rwandais », souligne un passage du rapport.
Les minerais congolais, enjeu central de l’occupation
Au-delà du volet sécuritaire, le rapport met en lumière une exploitation systématique des ressources naturelles. Le Rwanda tirerait un profit direct du coltan, de l’or, de la cassitérite et du tantale extraits des zones occupées, grâce à des circuits d’exportation bien organisés, parfois aériens, parfois escortés par des convois armés.
Ce pillage contribue non seulement à affaiblir l’économie locale, mais aussi à aggraver la crise humanitaire. Des milliers de civils sont déplacés, forcés à fuir ou à collaborer avec les forces d’occupation sous la contrainte.
Vers une nouvelle crise diplomatique ?
Les premières réactions à Kinshasa ne se sont pas fait attendre. Des voix s’élèvent déjà pour parler d’agression étrangère manifeste et de tentative de balkanisation de la RDC. Le gouvernement congolais envisage de saisir le Conseil de sécurité de l’ONU pour exiger des sanctions contre le régime de Paul Kagame.
À Kigali, aucune réaction officielle n’a encore été enregistrée.
Un tournant dans le conflit de l’Est
Ce rapport marque un changement de paradigme : le conflit à l’Est ne serait plus seulement l’œuvre de groupes armés irréguliers, mais bien une entreprise étatique de démembrement territorial.
Alors que les négociations de Doha stagnent, cette révélation pourrait durcir les positions, compromettre les efforts de paix et exacerber les tensions dans une région déjà extrêmement fragile.
Ali Haddad