RDC : Accords de paix et tensions souterraines, le retour stratégique de Joseph Kabila ?

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Kinshasa, Washington, Doha. Trois capitales, trois dynamiques diplomatiques, et un seul pays au centre de toutes les attentions : la République démocratique du Congo. Alors que le président Félix Tshisekedi multiplie les engagements à l'international pour tenter de ramener la paix dans l’Est, une ombre familière resurgit sur l’échiquier politique congolais : celle de Joseph Kabila, ancien chef de l’État, toujours influent malgré sa mise à l’écart institutionnelle.

Deux accords, deux médiations

La scène diplomatique congolaise a connu un tournant majeur avec la signature de deux accords de portée stratégique.
À Washington, un accord bilatéral entre Kinshasa et Kigali a été conclu sous l’égide des États-Unis, dans un cadre de coopération sécuritaire et économique. Ce texte, dont les contours restent partiellement confidentiels, accorderait une place importante aux enjeux miniers, en particulier dans les zones frontalières sous tension.

Presque simultanément, à Doha, le gouvernement congolais a signé une déclaration de principes avec l’AFC/M23, sous médiation du Qatar. Ce document ouvre la voie à un possible cessez-le-feu durable, à des promesses de réintégration des rebelles, voire à une amnistie partielle pour certains cadres.

Kabila, l’opposant inattendu

Mais au-delà des apparences de consensus international, une résistance s’organise en coulisses, menée par un acteur que beaucoup disaient politiquement affaibli : Joseph Kabila. Présent discrètement à Goma, bastion stratégique de l’Est, l’ancien président s’est ouvertement opposé au volet minier de l’accord de Washington, qu’il juge contraire aux intérêts souverains du pays.

Officiellement privé de son immunité parlementaire, Kabila n’en conserve pas moins une solide base de soutien au sein des milieux économiques, militaires et politiques. Il dispose encore de réseaux d’influence, notamment dans les provinces du Grand Katanga et du Kivu.

Un retour en politique par l’économie

L’opposition de Joseph Kabila au partenariat minier USA-Kigali-Kinshasa n’est pas fortuite. L’ancien président et son entourage ont historiquement contrôlé une grande partie des actifs miniers de l’Est. Une redistribution des cartes sous impulsion américaine pourrait fragiliser ces positions acquises.

Mais au-delà des intérêts économiques, Kabila semble vouloir se repositionner politiquement, en se présentant comme le défenseur d’un nationalisme économique et sécuritaire, face à un pouvoir accusé par certains d’avoir "cédé" devant Kigali et les groupes armés.

Une recomposition politique en gestation ?

L’agitation actuelle autour de Kabila pourrait bien annoncer une recomposition politique discrète mais déterminée, avec en perspective :

La constitution d’un nouveau bloc politique "souverainiste", opposé à toute présence étrangère jugée excessive dans les secteurs stratégiques.

Le soutien indirect à une figure politique nouvelle ou à un retour sur la scène électorale via ses proches.

Une possible instrumentalisation du mécontentement populaire lié aux accords de paix jugés trop conciliants avec le M23 ou favorables à des intérêts étrangers.

Joseph Kabila n’a pas dit son dernier mot.

Dans un contexte marqué par une frénésie diplomatique et des promesses de paix, l’ancien président fait entendre une voix discordante. Que cherche-t-il réellement ? Préserver son influence économique ? Rebâtir une stature politique ? Ou simplement bloquer une nouvelle architecture régionale qu’il ne contrôle pas ?
Une chose est certaine : la bataille pour l’Est de la RDC n’est pas seulement militaire ou diplomatique. Elle est aussi politique, souterraine, et pleine de rebondissements.


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