Cela fait désormais plus de 15 ans que les voyageurs au départ de la République Démocratique du Congo paient une taxe dite « Go-Pass », censée financer l’amélioration des infrastructures aéroportuaires. Mais aujourd’hui, cette redevance fait l’objet d’un énorme flou financier. En cause : une somme colossale de plus de 362 millions de dollars encaissés… sans traçabilité claire.
Une manne silencieuse
Créé au début des années 2010, le Go-Pass s’est imposé comme une taxe obligatoire intégrée à chaque billet d’avion, qu’il s’agisse de vols nationaux ou internationaux. Avec l’intensification du trafic aérien en RDC, la taxe est rapidement devenue une source importante de revenus pour la Régie des Voies Aériennes (RVA), l’entreprise publique chargée de la gestion des aéroports.
Selon les chiffres révélés récemment, plus de 362 millions $ ont été collectés à ce jour. Une somme qui aurait dû transformer les aéroports du pays. Pourtant, à l’exception de quelques chantiers sporadiques, les infrastructures restent vétustes, mal entretenues, et à des années-lumière des standards internationaux.
Un DG face à une tempête politique
Invité à s’expliquer ce mercredi devant les députés de l’Assemblée nationale, le Directeur Général de la RVA n’a pas convaincu. Entre données incomplètes, justifications floues et absence de preuves tangibles sur l’usage des fonds, la séance a viré à l’interrogatoire embarrassant.
«Nous avons posé des questions précises, mais les réponses sont restées vagues. Trop de zones d’ombre subsistent», a déclaré un député sous couvert d’anonymat. Cette audition a immédiatement débouché sur la création d’une commission d’enquête parlementaire chargée de faire la lumière sur la gestion du Go-Pass.
Où est passé l’argent ?
C’est désormais la question qui brûle les lèvres de l’opinion publique. Car si les montants encaissés sont bien réels, les réalisations visibles, elles, sont rares. Quelques travaux ont été lancés à l’aéroport de N’Djili, à Lubumbashi ou à Goma, mais aucune transparence budgétaire n’a été assurée. Aucun rapport public d’audit, aucun bilan détaillé, aucune traçabilité sur les sous-traitants.
Certains soupçonnent des détournements massifs, des surfacturations ou des montages opaques, comme cela a été dénoncé dans d’autres dossiers liés aux finances publiques congolaises.
Un enjeu de gouvernance
Au-delà du cas Go-Pass, c’est la question de la gestion des ressources publiques en RDC qui revient sur la table. Le pays est régulièrement pointé du doigt pour son opacité administrative, la corruption systémique et l’impunité des hauts cadres. Si la commission d’enquête va au bout de sa mission, elle pourrait devenir un précédent important en matière de redevabilité.
Mais cela suppose une volonté politique réelle de faire toute la lumière, y compris au plus haut niveau.
Pour tout dire :
362 millions $ collectés via le Go-Pass depuis plus de 15 ans.
Peu d’infrastructures visibles en contrepartie.
Le DG de la RVA mis en difficulté devant le Parlement.
Commission d’enquête parlementaire lancée.
Forte pression de l’opinion publique pour exiger des comptes.
Ali Haddad