Un document officiel daté du 12 mars 2025, longtemps resté discret, a refait surface avec rage ce mois de mai sur les réseaux sociaux. Signé par le président de l’Assemblée provinciale du Kasaï Oriental, MUYA MUKENDI Willy, le courrier sollicite au nom des députés provinciaux 24 parcelles auprès du Gouverneur Jean-Paul Mbwebwa Kapo, dans le cadre du projet d’aménagement du quartier Lumumba, derrière la MIBA à Mbujimayi.
Ce qui aurait pu rester un simple échange institutionnel est devenu un nœud d’interrogations politiques.
Car, si la lettre a été reçue officiellement le 17 mars, comme en témoigne l’accusé de réception visible , elle n’est rendue publique qu’au cœur d’un bras de fer entre l’exécutif provincial et l’Assemblée, qui a mis en accusation le Gouverneur dans une affaire présumée de détournement de 3 millions de dollars. Le timing alimente donc la controverse.
Selon les communicateurs du gouverneur, la lettre est le révélateur d’un non-dit politique.
Dans l'entourage du gouverneur, la diffusion tardive du document est loin d’être anodine.
Elle est présentée comme une clé de lecture du climat conflictuel actuel. Pour ces défenseurs numériques de l'autorité provinciale, le refus du chef de l'exécutif d’accéder à la demande de parcelles aurait nourri une forme de frustration chez certains élus, devenue le véritable moteur caché de la procédure de mise en accusation initiée contre lui.
Selon cette interprétation, ce ne sont donc pas les griefs financiers officiels qui motivent l'acharnement contre le gouverneur, mais clairement le rejet d’un avantage matériel sollicité de manière informelle mais documentée.
La publication du courrier aujourd’hui serait alors un acte de défense, une manière de montrer que certaines demandes institutionnelles pouvaient heurter les règles de gouvernance.
Dans le camp de l'organe délibérant, la réaction ne s’est pas fait attendre.
Via le réseau social Facebook, le président de la Commission Économique et Financière ( ECOFIN) de l’Assemblée provinciale, professeur François Kazadi Ntita a vigoureusement dénoncé ce qu’il qualifie de "tentative de diversion orchestrée par les proches du gouverneur".
Il insiste sur le fait que la lettre n’aurait jamais été débattue officiellement au sein de l’hémicycle ni convertie en acte parlementaire.
Pour lui, ce document ne saurait être utilisé comme argument pour discréditer la démarche des élus visant à faire la lumière sur la gestion des finances publiques.
Le président de l'ECOFIN soutient également que le fait pour le gouverneur d’avoir conservé la lettre sans réaction pendant deux mois pose question : "Pourquoi ne pas l’avoir dénoncée dès sa réception ? Pourquoi n’a-t-il pas saisi l’Inspection générale des finances ou la justice si cette demande était répréhensible ?" s'interroge-t-il.
Ce qui semble clair, c’est que la publication de ce document, dans ce contexte précis, sert les intérêts communicationnels de l’exécutif, qui cherche à inverser le récit dominant. Mais le délai de publication, l’absence de dénonciation immédiate et les éléments volontairement floutés suscitent aussi leur lot de soupçons dans l’opinion.
S’agit-il d’un acte de transparence ou d’une tentative de contre-feu ? Est-ce un acte de reddition de comptes ou une instrumentalisation défensive ? Le débat est ouvert.
Dans cette affaire, la lettre n’est plus seulement un texte administratif : elle est devenue une pièce politique, sortie du silence à un moment stratégiquement choisi.
JB KABEYA