Le Mouvement du 23 Mars (M23), allié aux rebelles de l’Alliance Fleuve Congo (AFC), a lancé un appel ferme au gouvernement congolais pour qu’il pose à son tour des gestes concrets de bonne foi dans le cadre du processus de paix actuellement en discussion à Doha, au Qatar.
Lors d’une conférence de presse tenue ce jeudi, les responsables du M23/AFC ont déclaré avoir exécuté 10 actes de bonne foi en faveur du dialogue et de la paix, sans en préciser le contenu, et demandent désormais à Kinshasa de manifester un engagement réciproque, à travers 8 mesures essentielles.
Les principales revendications du M23/AFC
1. Abrogation de la loi anti-dialogue votée à Kinshasa
Le mouvement exige que le gouvernement congolais annule la loi adoptée récemment par le Parlement, qui interdit toute négociation avec le M23. Selon eux, cette disposition risque de rendre inconstitutionnel et illégal tout futur accord de paix issu de Doha, une fois présenté à l’Assemblée nationale.
2. Levée des poursuites judiciaires contre ses cadres
Le M23/AFC demande à Kinshasa de retirer tous les mandats d’arrêt et d’abandonner les poursuites judiciaires visant ses dirigeants, condition qu’il juge indispensable pour instaurer un climat de confiance.
3. Libération des personnes arrêtées pour leurs liens familiaux ou sociaux avec le mouvement
Le groupe armé exige la libération immédiate de toutes les personnes détenues à cause de leur simple proximité avec ses membres, dénonçant une logique de répression collective.
4. Réouverture des banques dans les zones sous contrôle M23/AFC
Fermées depuis plusieurs mois, les institutions financières ne fonctionnent plus dans les territoires que le mouvement contrôle. Le M23 considère cela comme une punition économique injuste infligée à la population civile.
5. Fin des discours de haine contre les Congolais rwandophones
Le mouvement appelle à la cessation immédiate des propos haineux, des actes de stigmatisation et des discriminations contre les citoyens congolais d’expression rwandophone, qu’ils estiment être injustement ciblés dans le narratif officiel congolais.
6. Reconnaissance officielle du processus de Doha par le président Tshisekedi
Le M23 reproche à Kinshasa de participer de manière officieuse aux pourparlers en cours. Il exige que le président Tshisekedi reconnaisse officiellement les négociations et y envoie des représentants mandatés par la République.
7. Respect des droits civils des Congolais rwandophones à Kinshasa
Les rebelles accusent les autorités de restreindre la liberté de circulation des Congolais rwandophones dans la capitale, et d’entraver l’accès aux documents officiels tels que les passeports.
8. Respect strict du cessez-le-feu
Enfin, le M23/AFC demande à Kinshasa de respecter les engagements de cessation des hostilités, qu’il accuse les FARDC et leurs alliés de violer régulièrement.
Un climat de tension diplomatique
Cette sortie publique intervient alors que le climat reste tendu autour du processus de Doha. Kinshasa n’a pas encore officiellement reconnu ces discussions, menées discrètement sous médiation internationale. Le gouvernement congolais ne s’est pas encore exprimé sur les revendications formulées par le M23/AFC.
De leur côté, plusieurs organisations de la société civile, ainsi que des voix politiques, accusent le M23 d’utiliser le langage de la paix comme stratégie pour légitimer son occupation militaire de plusieurs territoires de l’Est du pays.
Un dilemme pour Kinshasa
Accepter ces revendications reviendrait pour Kinshasa à reconnaître officiellement le M23 comme interlocuteur légitime, ce que rejettent jusqu’ici les institutions congolaises, qui considèrent le groupe comme une organisation terroriste soutenue par le Rwanda.
Mais refuser tout dialogue formel pourrait également compromettre les efforts diplomatiques internationaux en cours pour résoudre une crise qui s’enlise depuis plus de deux ans, au prix de milliers de morts et de millions de déplacés.
Ali Haddad