Après l’ancien Premier ministre Augustin MATATA PONYO, c’est désormais Constant MUTAMBA, ministre de l’Enseignement supérieur et universitaire (ESU), qui est cité dans un scandale de détournement présumé de fonds publics. Le procureur près la Cour de cassation a officiellement demandé à l’Assemblée nationale de lever ses immunités parlementaires, dans le cadre d'une enquête sur le détournement supposé de 39 millions de dollars destinés à la prison de KISANGANI.
Les faits reprochés
Selon les premiers éléments de l’enquête, des fonds publics alloués pour la construction ou la réhabilitation de la prison centrale de Kisangani auraient été détournés. Le ministre Mutamba, par sa fonction au sein du gouvernement et sa position de député, aurait joué un rôle central dans la gestion ou la supervision de ces fonds. Le montant en cause,39 millions USD – soulève des interrogations sur la chaîne de responsabilité dans la gestion des marchés publics et la traçabilité budgétaire.
Analyse juridique : entre immunité et responsabilité
1. L’immunité parlementaire en RDC
La Constitution congolaise (article 107) accorde une immunité aux parlementaires, empêchant toute poursuite ou arrestation sans l’autorisation préalable de l’Assemblée nationale. Cela ne signifie pas une impunité, mais un filtre procédural destiné à éviter des poursuites à caractère politique.
Dans ce cas, la démarche du procureur est conforme à la loi : il a saisi l’Assemblée pour obtenir l’autorisation de poursuivre Constant MUTAMBA. Ce mécanisme vise à garantir l’indépendance du pouvoir législatif tout en permettant la justice d’agir en cas d’indices sérieux.
2. Responsabilité ministérielle
En tant que ministre, Mutamba est aussi justiciable devant la Cour de cassation, conformément à la loi sur la responsabilité des membres du gouvernement (Loi n° 17/001 du 8 février 2017). Si les faits reprochés sont liés à l’exercice de ses fonctions, il peut être poursuivi pour des fautes de gestion ou des actes de corruption.
Cela ouvre deux pistes :
*Responsabilité pénale individuelle (en cas d'enrichissement personnel ou de malversation avérée),
*Responsabilité politique (si le ministre a failli dans la supervision, même sans enrichissement personnel);
3. La levée des immunités : une formalité ou un test politique ?
La demande du procureur sera soumise à la commission compétente, puis au vote en plénière. Historiquement, la levée d’immunités est rarement accordée, sauf en cas de pressions politiques ou de scandales d'envergure. Dans un contexte électoral ou de recomposition du pouvoir, cette affaire pourrait être exploitée à des fins politiques.
Quels enjeux pour la justice congolaise ?
Renforcer l'État de droit : Cette affaire est un test pour l'indépendance de la justice et la capacité des institutions à poursuivre les crimes économiques sans discrimination.
Lutter contre l’impunité : Si les faits sont avérés, elle offre une opportunité pour illustrer la fin du "deux poids, deux mesures" dans la lutte contre la corruption.
Éviter les procès politiques : À l’inverse, si les accusations sont utilisées à des fins politiques, cela risque de décrédibiliser la justice et de renforcer la méfiance envers les institutions.
L’affaire Constant MUTAMBA 09H30' des révèle une nouvelle fois les fragilités de la gouvernance en RDC, notamment dans la gestion des fonds publics. Entre immunité parlementaire, responsabilité ministérielle et enjeux politiques, la procédure judiciaire à venir devra faire preuve de rigueur, de transparence et de respect des droits fondamentaux. Le traitement de ce dossier pourrait marquer un tournant dans la lutte contre la corruption… ou devenir un énième symbole de justice sélective.