RDC : Corruption ou règlement de comptes ? La justice congolaise en ébullition

En novembre 2024, le ministre de la Justice de la République démocratique du Congo, Constant MUTAMBA, ordonnait une enquête sur l’acquisition d’un immeuble d’une valeur de 900 000 euros à Bruxelles par le procureur général près la Cour de cassation, Firmin MVONDE. Cette décision a provoqué une vive controverse dans les milieux politiques et judiciaires du pays.

L’enquête, confiée à l’Inspection Générale des Finances (IGF), à la Cellule Nationale des Renseignements Financiers (CENAREF) et à l’Agence Nationale de Renseignements (ANR), visait à vérifier la légalité et la transparence de l’opération. Le cabinet du procureur général a reconnu l’acquisition et expliqué qu’elle avait été financée par un prêt bancaire de 750 000 euros contracté auprès d’Equity BCDC, avec un taux d’intérêt de 10 % et une période de remboursement de 24 mois à partir de juillet 2024.

Malgré ces précisions, des organisations de la société civile, telles que la coalition "Le Congo n’est pas à vendre" (CNPAV), ont exprimé des doutes quant à la capacité du haut magistrat à rembourser un tel prêt, exigeant une enquête indépendante sur l’origine des fonds. D’autres acteurs, comme l’ONG ACBGJ, ont jugé l’initiative du ministre inappropriée, rappelant que seul le Président de la République peut ordonner des investigations contre un magistrat de ce rang.

Le dossier a pris une tournure inattendue en mai 2025. En réponse aux accusations le visant, le procureur général Firmin MVONDE a demandé officiellement à l’Assemblée nationale la levée des immunités du ministre Constant MUTAMBA. 
Cette demande vise à permettre des poursuites judiciaires contre ce dernier, soupçonné dans un scandale de détournement de 39 millions de dollars initialement destinés à la construction de la prison centrale de KISANGANI.

Selon des sources proches du parquet, des éléments probants attesteraient d’opérations financières douteuses, des marchés fictifs et des rétrocommissions, dans un projet pourtant financé sur fonds publics pour moderniser le système carcéral congolais. Le procureur général entend poursuivre les responsables sans exception, y compris ceux occupant des fonctions ministérielles.

Ce bras de fer judiciaire illustre les tensions croissantes entre l’exécutif et le pouvoir judiciaire en RDC, à un moment où le pays se dit engagé dans une lutte sans relâche contre la corruption et pour la moralisation de la vie publique.

Reste à savoir si les institutions concernées auront le courage politique de faire aboutir ces procédures dans le respect de la séparation des pouvoirs et des garanties de l’État de droit.

Ali Haddad 

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