La scène politique congolaise est une nouvelle fois secouée par un échange à haute intensité. À la suite des propos controversés de Jean-Pierre BEMBA à l’encontre de Joseph KABILA, Moïse KATUMBI et certains prêtres catholiques, c’est Olivier Kamitatu, ancien ministre et figure influente du paysage politique congolais, qui est monté au créneau. Dans une déclaration cinglante publiée mercredi, il a remis en question la légitimité de BEMBA et dénoncé une dérive personnelle au détriment de l’intérêt national.
«Jean-Pierre, tu as eu ta chance, tu l’as gaspillée. Ton temps est révolu. N’entraîne pas la République dans ta chute. Ce pays mérite mieux que le règlement de comptes. Moi qui ai été témoin de ton histoire, je dis : stop à la manipulation, stop aux mensonges.»
Cette sortie, qui tranche avec la prudence habituelle de KAMITATU, marque une rupture claire entre les deux hommes, jadis alliés sous les bannières de l’opposition face à Joseph KABILA. Elle intervient dans un contexte de recomposition politique intense, à l’approche de possibles échéances électorales anticipées et dans un climat de défiance croissante envers certaines figures historiques du pouvoir.
Un règlement de comptes assumé ?
Selon plusieurs analystes, cette prise de parole s’apparente à un acte de désaveu public. En rappelant que BEMBA a «gaspillé sa chance», KAMITATU le renvoie à ses échecs passés, notamment sa gestion à la tête du MLC et ses revers politiques récents. Il fait ainsi écho à une opinion partagée par une partie de la classe politique : celle d’un homme jadis redouté, mais désormais en perte de vitesse.
La République comme ligne rouge
La phrase «n’entraîne pas la République dans ta chute» prend des allures d’avertissement. Pour KAMITATU, les querelles politiques personnelles ne doivent pas compromettre la stabilité institutionnelle du pays. Ce positionnement lui permet de se présenter comme un homme d’État, soucieux de l’intérêt général, face à un BEMBA décrit comme animé par la revanche.
Les églises dans la ligne de mire : un enjeu sensible
La sortie de Jean-Pierre BEMBA visait également certaines figures de l’Église catholique, dont le rôle reste crucial dans l’équilibre social et politique congolais. En les évoquant avec sévérité, BEMBA s’est attaqué à un pilier moral, ce qui a suscité une onde de choc au sein de l’opinion. KAMITATU, en prenant ses distances, semble vouloir éviter toute confusion entre sa posture politique et une quelconque mise en cause des institutions religieuses, particulièrement respectées dans le pays.
Vers un recentrage du débat politique ?
La virulence du ton employé par KAMITATU peut aussi être interprétée comme un appel à la responsabilité. En condamnant les «manipulations» et les «mensonges», il tente de rappeler que la politique congolaise ne peut continuer à être guidée par des ressentiments personnels ou des règlements de comptes d’un autre temps. Le message est clair : il est temps de passer à autre chose.
Le crépuscule des anciens seigneurs de guerre ?
Cette joute verbale entre deux anciens poids lourds de la scène politique congolaise illustre une transition en cours. La RDC semble s’acheminer, lentement mais sûrement, vers une nouvelle génération politique, en rupture avec les figures marquées par les années de conflit et les compromis d’hier.
Mais dans un pays où les alliances se font et se défont à la vitesse des rapports de force, rien n’est jamais totalement écrit. Une chose est certaine : Jean-Pierre BEMBA, malgré ses revers, ne s’effacera pas sans bruit. Et KAMITATU, en choisissant de le rappeler à l’ordre publiquement, prend le pari risqué d’incarner une voix de sagesse dans un espace politique toujours aussi turbulent.
Ali Haddad